Plusieurs médias à travers le monde ont effectué le «test de la flamme» avec différents masques. Sauf que ce test est bidon. (Crédits : Pixabay)

Peut-on tester un masque de protection en soufflant sur une flamme ?

Dernière édition le 20 mai 2020 à 11:13 - Relecture par Sarah Djerioui , correction par Anne Smadja , coordonné par Nelly Pailleux

C'est faux

En bref

Souffler sur une flamme à travers un masque permettrait d'évaluer son efficacité, selon des articles et des vidéos diffusés en France, en Belgique ou encore au Nigeria. Mais d'après des experts, ce test n’a aucune valeur.

Test de la flamme

Sur les réseaux sociaux et dans divers médias en France, ces images se multiplient : celles d'internautes soufflant à travers différents types de masques de protection sur une flamme. L’objectif de la manœuvre : «tester» la fiabilité de ces équipements. Si la flamme s'éteint, le masque ne protègerait pas ; si elle continue de brûler, c'est qu'il est suffisamment efficace. Mais ces tests n'ont aucune valeur scientifique ...

De nombreuses images tentent de prouver que les masques FFP2, N95 ou encore les masques chirurgicaux ne laissent pas passer l'air tandis que la plupart des masques «faits maison», oui. Par exemple, dans cette vidéo, un masque chirurgical semble passer le test, ce qui n'est pas le cas du masque artisanal :

De nombreuses images tentent de prouver que les masques FFP2, N95 ou encore les masques chirurgicaux ne laissent pas passer l'air tandis que la plupart des masques «faits maison», oui. Par exemple, dans cette vidéo, un masque chirurgical semble passer le test, ce qui n'est pas le cas du masque artisanal :

Les internautes, comme ici en Iran, s'acharnent parfois à souffler très fort sur la flamme, alors que celle-ci ne vacille pas.

Cette autre vidéo, prise au Nigeria, se veut promotionnelle. Elle présente des masques disponibles à la vente qui réussissent le test de la flamme :

 

Comment les masques sont-ils testés ?

En France, cette procédure est menée par la Direction générale de l’armement (DGA). Elle est en effet chargée de tester la conformité des équipements de protection contre le Covid-19, dont les masques. Dans cette vidéo, le centre d'expertise et d'essais DGA Maîtrise NRBC (Maîtrise radiologique, biologique et chimique) explique comment il évalue l’efficacité des masques de protection «grand public».

La DGA procède ainsi à deux types de tests :

  • D'abord, des tests sur matériaux : perméabilité à l’air, efficacité de protection en fonction de la taille des particules
  • Puis, des tests pour mesurer le niveau global de protection du masque et ses fonctions d’utilisation.

Un «test de la bougie» sans validité technique

Pour s’assurer de la non-fiabilité des tests à la flamme, la rédaction de Journalistes Solidaires interrogé Guy Bertrand, chargé de relations médias de la DGA, dont le Centre d’expertise et d’essais a lui aussi tenté l’expérience. 

Leur conclusion : le «test de la bougie» n’a aucune validité technique. «Nous avons observé que des masques non valables du point de vue de la protection contre le Covid-19 empêchent d'éteindre la bougie et à l’inverse, que des masques tout à fait valables (masques grand public de catégories 1 et 2, masques chirurgicaux certifiés EN 14683) permettent d'éteindre la bougie.»

Plus précisément, la DGA rappelle qu’un masque de protection contre le coronavirus «doit permettre la respiration de son porteur à travers le matériau qui le constitue». Ce matériau doit lui-même être doté d’une capacité de filtration des particules. Toujours selon le représentant presse de la DGA, «_un masque bien "respirant" _[qui permet de respirer, ndlr] éteint la bougie car l'air passe au travers».

À l’inverse, «si un masque n'éteint pas la bougie, c'est peut être qu'il n’est pas assez "respirant”». Cela veut dire qu’il ne laisse pas passer suffisamment l'air, qui s’échappe alors, sans être filtré, par des interstices entre le visage et le masque.

En réalité, ce test n'est pas crédible ; juger de la fiabilité d’un masque relève d'une procédure spécifique.

Même conclusion du côté de l'**Afnor **(Association française de normalisation), qui a publié un patron pour coudre soi-même des masques en tissu conformes aux normes de sécurité. Son responsable de la communication, Olivier Gibert, indique que «le test de la flamme sur laquelle on souffle à travers le masque ne donne aucune indication sur l’efficacité de filtration du masque». En revanche, «il permet de donner une idée de son étanchéité et donc de la "respirabilité". [...] Si vous avez du mal à supporter un masque en étant au calme, celui-ci sera certainement inadapté lors d’une marche soutenue ou d’une discussion par exemple. Vous vous exposez alors au risque de devoir l’enlever de manière précipitée, sans être en mesure de pouvoir vous laver les mains immédiatement après».

Recommandations de l'AFNOR

Extrait du site de l'AFNOR

Dans un article paru sur le site du magazine_ Pour la Science_ le 31 mars 2020, le physicien Jean-Michel Courty explique qu'un masque doit avant tout filtrer les aérosols que nous produisons en respirant, en toussant ou en éternuant. L'expert affirme «n'avoir trouvé aucune information fiable sur le sujet dans la bibliographie» (pour écrire son article).

Toujours est-il que la filtration et la «respirabilité» sont les deux critères qui permettent de juger de la fiabilité d'un masque. Souffler sur une bougie n'est pas donc pas un test valable. Il induit même souvent en erreur.

Ainsi, le test de la flamme pour vérifier l'efficacité d'un masque, effectué par plusieurs internautes et diffusé par des rédactions à travers le monde, n'est pas fiable. 

La DGA et l'Afnor affirment que ce test n'a pas de validité technique. En revanche, si un masque le passe avec succès, cela signifie qu'il n'est pas assez «respirant», et donc inconfortable pour son porteur.

Techniquement, un masque est jugé fiable s'il filtre suffisamment les particules, tout en permettant à l'utilisateur de respirer. 

Un grand merci à Ershad Alijani pour son mentorat dans le cadre de cette première enquête en collaboration avec Les Observateurs - France 24.

Fiche Enquête

La fiche ci-dessous résume le parcours et la méthodologie employés pendant notre enquête.

Information

Vérifiée et fausse

Première apparition sur le web

Non renseigné

Dernière modification de la fiche de l'enquête
4 mai 2021 à 16:52
Lieu de publication constaté
Autre
Actions entreprises par les journalistes

28 avril

  • Prise de connaissance de l'article de La DH et de la vidéo montrant la technique de vérification testée par les journalistes belges.
  • Suggestion pour le futur article : lui intégrer un petit encadré faisant le point sur les différents types de masques et leur efficacité
  • Pour répondre à la question "Souffler sur une flamme pour prouver l'efficacité d'un masque de protection ?", accord de l'équipe pour contacter : l'AFNOR (pour la fiabilité d'un masque fait maison) ; un pharmacien (pour un avis général sur la question et sur l'efficacité des masques chirurgicaux, FFP2, FFP3 notamment)
  • ITW du pharmacien d'officine Damien Puissant, dans sa pharmacie à Rennes (cf. Call Log retranscription de l'audio). NB : Etant donné que les pharmacies n'ont reçu l'autorisation de remettre en vente les masques que lundi 27, le D. Puissant n'avait pas toutes les clefs en main pour répondre précisément. Donc : peut-être envisager d'obtenir l'avis d'un autre pharmacien pour plus de détails. un autre avis car comme ils n'ont reçu les informations et consignes que récemment.
  • Prise de contact avec l'AFNOR (Association française de normalisation) qui a publié un patron pour coudre soi-même des masques en tissu. (cf. Call log copie du mail) 29 avril :
  • Prise de connaissance de la viralité du post au jour J : Twitter (1RT), Facebook (1300 réactions, 3200 partages, 445 commentaires), Instagram (667 vues) 30 avril
  • Ajout de nouvelles sources pour étayer le propos de notre article (INRS, notes gouvernementales, articles de revues scientifiques)
  • Détermination de notre plan d'article
  • Ajout de sources internationales
  • Appel à la DGA qui est en charge de faire passer des tests de fiabilité des masques. Mail envoyé en attente de réponse.
  • Appel à l'INRS pour leur avis sur la fiabilité du test ou pas. Pas de réponse, message vocal au contact presse.
  • Création d'un document pour poser la trame et commencer à rédiger notre article
  • Relance appel à la l'INRS. Toujours le répondeur. En conséquences, nous envoyons un mail exposant notre sujet, espérant avoir un retour avec un contact expert. 4 mai
  • Réponse de la chargée des relations presse à l'INRS : elle a bien pris connaissance de notre demande mais pour l'instant, elle n'a pas encore de retours de leurs experts sur nos questions. Elle revient vers nous dès que possible.
  • Sur les conseils de notre mentor Ershad Alijani, nous pourrions essayer de contacter de nouvelles sources, notamment du côté de pays industriels qui produisent en nombre des masques de protection avec des standards de haut niveau.
  • Ershad nous aide à trouver les contacts des équivalents de l'INRS en Allemagne et Corée du sud. Pourquoi ces pays ? Car ils sont parmi les rares qui ont pris une politique de masques pour tous dès les premiers jours de la pandémie (la Corée plus tôt encore)
  • Nous envoyons un mail à ces deux organismes, dans l'attente d'une potentielle réponse 5 mai
  • La BfArM (équivalent de l'INRS en Allemagne) nous a répondu, mais pas à notre question de savoir si le test est fiable ou pas, et si oui/non, pourquoi. L'organisme nous confie que la seule chose qu'ils puissent nous dire à propos des différents types de masques en général, c'est à consulter leur site web directement.
  • Ils nous transmettent tout de même un document intéressant sur l'utilisation de masques auto-produits (appelés "masques communautaires"), de protections médicales de la bouche et du nez (MNS) et de demi-masques filtrants (FFP2 et FFP3) en relation avec le coronavirus.
  • Pour varier les sources et obtenir une réponse à notre question, nous contactons également :
    • La DGA par téléphone : pas de réponse
    • Le Ministère des solidarités et de la santé par mail
    • La FDA (US Food and Drugs Administration) par mail
    • L'AFNOR (relance par mail), qui nous renvoie vers la DGA 6 mai
  • Le service Presse de l'AFNOR nous répond que si nous cherchons à savoir comment est estimée la fiabilité d'un masque... il faut se tourner vers la DGA. Nous allons donc persister à avoir un retour de leur part
  • Sur France Inter (journal de 6h30),est passé un sujet de la journaliste Nathalie Hernandez sur les militaires de la DGA qui testent les masques. Nous tentons de la contacter pour espérer interroger Raymond Levet de la DGA (en charge de tester les masques et leur efficacité, et qui signe l'homologation des masques), qu'elle interviewé à l'occasion de son papier.
  • Nous contactons aussi "Les tissages de charlieu" pour trouver une porte d'entrée vers la DGA qui a validé leurs masques.
  • En parallèle, continuons à multiplier nos sources pour augmenter nos chances d'obtenir des réponses : "savoirfaireensemble" qui produit des masques et des blouses et dont l'initiative est relayée par le gouvernement.
  • Nous obtenons, grâce à Nathalie Hernandez, le numéro de portable du chargé de communication de la DGA, Guy Bertrand, dans le but de pouvoir interroger directement Raymond Levet. Répondeur, message vocal laissé, nous attendons un retour.
  • Guy Bertrand revient vers nous dans la journée : il nous demande de lui envoyer nos questions par mail. Nous précisons que nous aimerions obtenir un entretien avec Raymond Levet. 7 mai
  • Prise de contact par téléphone puis par mail avec le fabricant de masques Kolmi-Hopen (groupe Medicom), qui fabrique des masques chirurgicaux à destination des professionnels de santé.
  • Réception d'un mail attestant que la FDA traite notre demande de contact. 8 mai
  • Sur France Info, le Ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et la secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Economie et des Finances Agnès Pannier-Runacher donnent une conférence de presse sur l'approvisionnement en masques sur l'ensemble du territoire français. Nous en profitons pour prendre note des différents organismes à qui le Gouvernement a fait appel pour tester les masques en vente dans le pays.
  • A la suite de cette allocution, nous décidons de contacter directement Mme Pannier-Runacher pour qu'elle réponde à nos questions. 11 mai
  • Relance par mail du fabricant Kolmi-Hopen.
  • Ajout de deux documents de la DGA : une vidéo décrivant leurs tests, et une liste des masques testés (mise à jour le 08/05/2020). Remarque : la DGA n'effectue pas le "test de la flamme".
  • Nous avons contacté le cabinet de la secrétaire d'État Agnès Pannier-Runacher par téléphone, puis par mail. Le service presse devrait nous rediriger vers l'une de ses cellules pour nous répondre au mieux.
  • Guy Bertrand, responsable communication de la DGA, nous répond que le "test de la bougie" n'est pas fiable. En effet, certains masques non-conformes le passent, alors que d'autres tout à fait valables permettent d'éteindre la bougie. Il s'agit plutôt d'un indicateur de respirabilité.
  • Nous passons notre article en production en en rédigeant un premier jet.
  • Nous prenons connaissance que divers médias publient sur le sujet du test de la flamme. Nous décidons de maintenir notre publication. 12 mai (conférence de rédaction)
  • Après discussion sur l'avancée de notre sujet avec l'ensemble de la rédaction JS, l'idée d'inclure une vidéo fait l'unanimité. Quitte à se dire ce que nous n'avons pas été les premiers à publier sur le sujet, soyons les plus rigoureux : la vidéo est une plus-valu pour notre article.
  • Nous procédons à divers réajustements dans le corps de texte de notre article, selon les conseils de notre Mentor, Ershad Alijani.
  • L'article part en production pour une publication rapide sur Les Observateurs. Côté JS, j'article sera publié avec sa vidéo, dans un second temps.
  • Pour la vidéo JS, nous contactons un mentor du collectif qui serait prêt à tourner des images de test de la bougie, images qui viendront habiller la vidéo. 15 mai (Post Publication)
  • Nous rassemblons les derniers éléments pour pouvoir monter la vidéo que nous ajouterons a posteriori de l'article, déjà publié.
Pistes et conclusions

Sur les réseaux sociaux, à travers le monde, des centaines d'internautes se filment en train de réaliser le "test de la flamme" pour évaluer la fiabilité de leur masque.

Pour ce faire, ils portent la flamme à hauteur de bouche et soufflent dessus. Si elle s'éteint ou vacille, le masque n’est pas assez efficace.

D'après les conclusions : seuls les masques chirurgicaux N95 ou le FFP2 et le FFP3 n'ont pas fait trembler la flamme et seraient donc les plus efficaces.

Selon le pharmacien Damien Puissant, tester un masque comme il est démontré ne peut constituer une preuve d'efficacité de l'équipement de protection médical._ S_eules les entreprises fabriquant des masques, quels que soient leur types, ou encore les sites officiels comme celui du Gouvernement, sont à même d'indiquer quelle est leur efficacité, à qui et comment bien les utiliser.

Olivier Gibert, porte-parole de l'Association française de normalisation (AFNOR), rejoint cet avis. Selon lui, le test de la flamme ne donne aucune indication sur l’efficacité de filtration du masque. Il permet néanmoins d’avoir une idée de son étanchéité et donc de la respirabilité. Il rappelle aussi qu'un masque que l'on confectionne soi-même n'est pas aussi efficace qu'un FFP2, et qu'il doit être porté en complément des gestes barrières.

PLAN D'ARTICLE

  1. Souffler sur une flamme test fiable ?
  2. Non car ... [explication] La fiabilité d'un masque est définie par ... + Expliquer les pastilles de l'Etat
  3. [précision gouttelette]
  4. Or les masques disponibles filtrent des particules de X microns ... comme l'a annoncé E. Macron

[Les précisions en plus pour agrémenter l'article ] :

[ INRS : La taille des particules filtrées et mises en perspective avec la taille du virus pour déterminer si le masque est fiable ou pas]

[ Pastilles Etat cf. Source Sure Covid 19 : Les informations relatives aux masques grand public ] + [Documents gouvernementaux : masques réservés à des usages non sanitaires pour les certifications des masques et les exigences reprises]

[Précision gouttelette : La taille du coronavirus avec la gouttelette qui explique l'efficacité des masques ]

Equipe Journalistes Solidaires

Mathilde Sourd

Floréane Marinier

© Journalistes Solidaires

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